İnterview avec monsieur Bruno Deneker, membre du jury

Depuis combien d’années vous intéressez-vous au théâtre ?
Je suis intermittent du spectacle depuis 34 ans. Il n’y a pas eu un moment particulier ça s’est fait comme ça.

Comment et pourquoi avez-vous commencé cette carrière ?
Quand j’étais tout petit, j’en faisais déjà un peu. J’étais toujours en train de faire le guignol. J’avais trois choix : coach de basket, bande dessinée car j’avais fait les beaux-arts mais j’ai fini par faire du théâtre. Mais c’est une porte qui ne s’ouvre jamais, inaccessible, faire du théâtre c’est un autre monde. Moi j’ai fait du théâtre parce que je voulais m’éclater, parce que j’adore ça et aussi je voulais en vivre. J’en vis normalement, j’ai seulement une voiture, je n’ai pas de château mais au moins je vis de ma passion, de mon envie. Et c’est ça qui compte.

À votre avis, que nous apporte le théâtre dans la vie de tous les jours ?
Le bon humour ! La joie de vivre ! Le théâtre nous donne la chance d’entrer dans la peau de n’importe quel personnage, et quand on est sur scène, on est bien parce qu’on est libre, on joue et on s’amuse.
Quels sont les éléments qui rendent une pièce de théâtre plus touchante ?
Les émotions. S’il n y a pas d’émotions, pas de transmission d’émotions du comédien qui se trouve sur scène face au public il n’y a rien, ça ne touche personne, que ce soit le rire, la tristesse ou encore la colère. Si on n’arrive pas à faire passer l’émotion du comédien, il ne se passe rien, on va s’ennuyer. Les comédiens vont jouer pour eux. Ils font quoi, on ne sait pas. On ne rentre pas dans l’histoire. Mais dès lors qu’il y a un partage, les comédiens ce n’est pas que jouer pour soi-même, on joue avec le ou les partenaires. On joue aussi pour un public qui a payé sa place et vient voir un truc comme regarder un film à la télé. Il y a une histoire. Et dans le théâtre il y a également une histoire à partager. On partage les pleurs, les rires, on partage tout mais s’il n’y a rien qui est partagé, c’est un flop.

Qu’est ce qui permet de transmettre l’émotion, et de donner un message aux spectateurs ?

Je ne fais pas de spectacle pour donner un message. J’ai envie de m’éclater, j’ai envie de partager. Le but pour moi c’est de prendre du plaisir et d’en donner quel que soit le spectacle que je vais donner. Il y en a un où j’ai joué tout seul, c’était sur un SDF (un sans domicile fixe). J’ai réussi à faire rire, à faire sourire, à faire passer l’émotion, à travers un SDF qui est quelqu’un dont on sait qu’il n’a plus rien à vivre, qui dors dehors etc... Le but du jeu est de divertir. Les gens viennent là pour se changer les idées, souffler, respirer et rentrer dans une histoire. C’est ça le but.

Quelles sont vos pensées sur les Tevfik d’Or ? (les côtés qui vous plaisent et ceux qui ne vous plaisent pas)

Il n’y a pas de côtés qui ne me plaisent pas. Tout le monde est super gentil, les équipes, vous, tout le monde est sympa, souriant et content parce que c’est une semaine un peu exceptionnelle, je pense pour vous, les élèves. Il n’y a pas de points négatifs par rapport à cela.

A votre avis, s’il y avait des choses à changer, lesquels seraient-elles ?

Moi je ne fais pas partie de l’organisation. Mais je voudrais dire que l’organisation est vraiment au top et ça fait depuis 4 ans que je viens et je vois que tout le monde à un rôle bien précis, tout le monde fait un vrai boulot. Comme vous, les journalistes du jour, les personnes qui vont réceptionner ma belle voix. Tout le monde fait son job, je pense avec passion. Et donc ça fonctionne super bien. Mais s’il y avait quelque chose à changer, ça serait peut-être de mettre une demie heure de plus pour les ateliers et de mettre moins de monde. Mais on ne va pas se plaindre.
Quels seraient vos conseils aux jeunes qui vont commencer à faire du théâtre et qui veulent devenir professionnels ?
C’est une question qu’on m’a posée à Paris. Une jeune comédienne qui veut arrêter ses études pour faire du théâtre. En fait je ne la connais pas, je connais sa tante, je lui ai dit que c’était bien et qu’il fallait continuer mais qu’il fallait d’abord qu’elle passe son bac. Elle ne voulait pas passer son bac cette année. Je pense que c’est complètement inutile, idiot de ne pas passer son bac. Il faut savoir que ça devient de plus en plus difficile de devenir professionnel. Mais si c’est une ambition, c’est super, il faut aller à fond. Mais si tu passes d’abord ton bac, t’es tranquille car si tu te plantes en tant que comédienne, tu peux te dire que tu as ton bac et que tu peux reprendre tes études. Donc en fait, sans le bac c’est un peu compliqué, tu es obligé de le repasser pour pouvoir continuer tes études.
Donc, une fois que tu as ton bac, si tu veux faire des études de théâtre tu peux en faire mais dans une école de théâtre. Car même en suivant des cours c’est déjà difficile alors sans, c’est encore plus dur.
Après, c’est le coup de chance, en tant que professionnel je veux dire. Aujourd’hui il faut avoir les bonnes rencontres et les bonnes personnes. Voilà on croise quelqu’un et tac. Cette personne va nous emmener là et ça peut aller très vite comme ça peut être très long et jamais rien ne peut se passer. En fait aujourd’hui comme ça devient de plus en plus difficile, il faut vraiment être sûr, être passionné de théâtre.
Moi aussi quand j’ai commencé, quand je me levais le matin, je me demandais ce que j’allais devenir demain. Mais après, une fois qu’on commence à travailler, il y a des choses qui s’enchainent et avec un peu de chance ça continue.
Moi, il y a 30 ans, quand je travaillais avec des gens, ils me disaient qu’ils faisaient du théâtre pour être en tête d’affiche. Mais franchement, je ne les y ai jamais vus. Pourtant j’aurais bien voulu les voir en tête d’affiche. Moi je sais que je continuerai même quand j’aurai 90 ans (si je suis encore vivant).